Sylvie Eyberg
Née en 1963 en Belgique. Vit et travaille à Bruxelles.
Sylvie Eyberg a une affection particulière pour Virginia Woolf, dont l’œuvre l’accompagne depuis de nombreuses années. Et justement, sur les trois feuillets recto-verso dépliés de son édition the she, on découvre les reproductions de cinq pages extraites d’éditions anglaises des nouvelles The String Quartet et Blue and Green et du roman The Years de l’écrivaine, ainsi que les reproductions des pages correspondantes dans les éditions françaises. L’artiste a ensuite comparé deux des textes originaux et leur traduction. Des nouvelles, elle n’a conservé que les articles the en anglais et le, la, les en français, tels qu’ils apparaissent dans les éditions. Du roman, elle n’a gardé que les articles she en anglais et elle en français. Par ailleurs, elle a repris deux œuvres exécutées précédemment en héliogravure (visibles au 1er étage), pour lesquelles elle avait recadré l’image d’un plateau de tournage et gardé quelques bribes de texte, le tout issu d’un vieux numéro de Cinéma pratique, traitées ensuite en différentes nuances de gris et noir – qu’elle a placées à la suite ou en miroir.
Non seulement Sylvie Eyberg procède à une mise en abyme du livre et du texte, mais elle fait se réfléchir, dans tous les sens du terme, textes et images de textes.
Sylvie Eyberg travaille à la manière d’une monteuse de cinéma. Dans des magazines datés, elle sélectionne des images longuement regardées et les recadre avec précision. Le texte subit la même opération : l’artiste n’en préserve que quelques bribes, qu’elle assemble pour constituer de nouvelles phrases. Les mots ou les morceaux de phrases viennent parfois se placer dans l’image, ou restent à l’extérieur. Quoi qu’il en soit, sur chacune des œuvres, le blanc a son importance, et image et mots renvoient l’un à l’autre, provoquant un va-et-vient du regard. Ils nous tiennent au bord d’une énigme, au bord du désir. Et, comme au cinéma, c’est aussi dans l’intervalle et le hors-champ que quelque chose se joue.
Devant to script (1, 2, 3), on ne peut s’empêcher de penser au dernier livre de Virginia Woolf, Between the Acts, dans lequel, un jour d’été de 1939, des personnages assistent à un spectacle dans lequel les acteurs assistent à une pièce sur la fin d’une période historique. Un drame se joue également en coulisses entre les personnages, eux-mêmes confrontés à la fin d’une époque. Où il s’agit de mise en scène, mais presque aussi de cinéma, comme on dirait « faire son cinéma ».
Texte: Lucile Bertrand